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vendredi 30 juin 2017

Homélie du 13ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 2 juillet 2107

Ne rien préférer à l’amour du Christ. Voilà qui nous semble, peut-être, comme une folie ou un abîme. L’aimer oui, lui faire une place assurément, mais de là à le préférer à tout... Car cette hypothèse évoque spontanément pour nous une longue liste de renoncements. Ceux-là même que Jésus commence par évoquer dans l’évangile : un père, une mère, un fils, une fille. Et chacun complètera allègrement la liste en passant aussi par notre zone de confort et tous ces plaisirs qu’il nous serait insupportable d’abandonner. Pourtant, frères et sœurs, ne vous sentez-vous pas de temps à autre comme prisonniers de vos devoirs, de vos obligations envers vous-même et envers les autres ? Or le propre du chrétien, c’est d’être un homme et une femme libre. Celui qui applique la belle sentence de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ». C’est vrai : la phrase est dangereuse. Evidemment Augustin n’entend pas promouvoir un esprit libertaire, celui qui permettrait à n’importe qui de faire n’importe quoi à partir du moment où, lui, estime « aimer ». Il s’agit d’aimer comme le Christ.
 
Pour aimer comme lui, il faut le mettre en centre de toute notre vie. Non en concurrence avec d’autres, mais comme le principe fédérateur, celui qui unit en lui toutes choses. Cela implique un décentrement : nous ne sommes plus au centre, mais nous laissons la place au Christ. Nous acceptons de ne plus être notre norme mais d’accueillir celle du Christ. « Accueillir », voilà un verbe particulièrement important dans la liturgie de la Parole de ce jour. Etre accueilli, nous rappelle l’évangile ainsi que les autres lectures, n’est pas quelque chose d’anodin mais bien de divin. L’accueil est échange, l’accueil est reconnaissance. Et l’accueil est aussi parfois un défi. En effet, il n’est pas toujours facile d’accueillir celles et ceux envers lesquels nous avons moins de sympathie. Nous ne sommes pas, non plus, toujours prêts à nous faire surprendre par certains événements de la vie. Parfois, nous sommes saisis par une situation que nous n’avions pas prévue. Elle déjoue nos plans, fausse nos prévisions, ébranle nos sécurités. Et nous voilà au cœur de la réalité, avec toutes nos questions et nos désirs de tranquillité, de n’être pas dérangés. Les défis, eux aussi, se comptent par milliers. Et voilà, qu’aujourd’hui, nous sommes à nouveau bousculés dans notre foi, nos certitudes. Le Christ nous convie à répondre à un défi qui dépasse notre imagination : celui de Le choisir. De Le choisir en vérité.
Il nous rappelle avec force, utilisant certaines images d’amour sans concession, que lorsque nous choisissons le chemin de la foi, ce choix n’est pas des moindres. Il demande de nous une disponibilité de cœur  et d’esprit qui pourra nous conduire, lors de certains événements, à prendre une direction qui ne va peut-être pas dans le sens de notre humanité mais bien dans celui de la divinité. Croire, c’est donc aussi faire des choix et se laisser surprendre, en confiance, par les défis de la vie. Mais, avons-nous cette disposition de cœur et ce désir de nous laisser émouvoir par l’amour radical de Dieu pour oser mettre nos pas dans les siens ?
 
Accueillir le Christ et le mettre au centre de notre vie comme Celui qui en assure la cohérence et l’unité, c’est être assuré, comme la femme sunamite qui offrit l’hospitalité au prophète Elisée, de recevoir une grande bénédiction et d’être surpris au-delà de ce qu’on peut imaginer. Suivre le Christ et ne rien préférer à Lui, c’est ne pas s’opposer à la grâce du baptême. Ce baptême qui abolit la frontière entre le Christ et nous, celui qui nous permet de vivre une « vie nouvelle », c’est-à-dire une vie qui n’est plus centrée sur nous-même mais qui se découvre profondément libre. Cette vie sera débarrassée de ses lourdeurs et de ses pesanteurs, de ses peurs aussi. Dorénavant, en acceptant que le Christ, je commence à entrer dans la vie de Dieu, ou plutôt de faire entrer ma vie dans celle de Dieu.
 
« Vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus-Christ ».
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

vendredi 23 juin 2017

Homélie du 12ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 25 juin 2017

Jésus vient de dire quelque chose de capital dans ce chapitre 10  de l’évangile selon saint Matthieu : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...Les hommes vous livreront aux tribunaux...Le frère livrera son frère à la mort...Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom.. ». Et ce grave avertissement a été expliqué par cette déclaration: « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître ni le serviteur au-dessus de son seigneur.. » ( Mt 10, 24-25).
Lorsque Matthieu rédige son évangile, l’Eglise a expérimenté la réalité de ces annonces. Partout elle est mal jugée, espionnée, critiquée, dénoncée ; Etienne a été lynché ; Jacques décapité ; Pierre et Paul mis à mort ; beaucoup d’autres sans doute ont subi des coups, ont comparu devant les tribunaux, ont connu la torture, les supplices, la mort. Les disciples s’interrogent : pourquoi donc cet acharnement du monde contre nous ? Ils relisent l’Evangile et reprennent courage : non seulement le Maître l’avait dit mais en accomplissant la mission au milieu des souffrances, l’apôtre sait qu’il subit le même sort que son Seigneur et qu’ainsi il lui ressemble de plus en plus.
 
« Tout doit être proclamé ».
L’Evangile n’est pas une doctrine ésotérique réservée aux initiés. Tous les enseignements que les apôtres ont reçu de Jésus, ils doivent les publier dans leur intégralité, les divulguer par tous les moyens, dans toutes les langues, en utilisant tous les moyens de communication. Rien n’est plus essentiel, rien n’est plus urgent que de proclamer que Jésus a vaincu la mort, qu’il offre le pardon, qu’il nous permet de vivre en enfants de Dieu Père, que le Royaume de justice est inauguré...mais que cela exige certains renoncements. Il ne faut pas gommer ce qui dérange ! Tout l’Evangile doit être « dévoilé. Pas seulement ce que nous voulons bien en retenir, pas seulement ce que nous prêts à en vivre.
 
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut faire périr, dans la géhenne, l’âme aussi bien que le corps. » La peur des ennemis humains ne peut être vaincue que par une autre crainte, « la crainte de Dieu » - laquelle, on le sait, dans la Bible, n’est pas une panique devant une divinité terrifiante mais un immense respect, une adoration éperdue, un désir de fidélité envers Celui dont on se sait infiniment aimé. Nous ne vivons pas dans une jungle où règne la loi de l’absurde et de l’insignifiance. Dieu n’ignore rien d’un événement aussi minuscule que la mort d’un moineau (« pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille », dit Jésus) : donc vous, les apôtres, chassez le doute et le  désespoir. Aux yeux de vos ennemis et de vos tortionnaires, vous êtes moins que rien ; mais Dieu est votre Père. Il connaît votre valeur immense lorsque, comme son Fils, vous portez la croix des épreuves et offrez votre vie en pardonnant.
 
Jésus a été incompris, injurié, accusé, condamné : il nous a prévenus de façon très claire que nous subirions le même sort. Il est impossible qu’il en soit autrement. L’Evangile authentique ne sera jamais accueilli par tous car il remet en question de façon radicale. A la face de tous les Caïphe et tous les Pilate qui accusent Jésus d’être un blasphémateur et qui affirment qu’il est mort, les disciples ont à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu et qu’il est Vivant. Au procès de Jésus qui se prolonge dans l’histoire et qui ne sera jamais clos, nous sommes ses témoins à décharge, ses défenseurs, ses avocats. Si nous remplissons cette fonction, alors nous pouvons envisager de nous présenter avec confiance devant l’autre tribunal. Car il y aura le seul, l’unique vrai tribunal où la valeur de toute vie sera jugée dans une Vérité totale : devant Dieu, Jésus sera à notre égard ce que nous aurons essayé d’être pour lui : notre « paraclet », notre avocat. Car annoncer Jésus-Christ est défendre l’homme. Et Jésus est le Sauveur de l’homme.
 
AMEN.
                                                  
Michel Steinmetz

vendredi 16 juin 2017

Homélie de la solennité du Corps et du Sang du Christ - 18 juin 2017

Pendant cinquante jours, de Pâques à Pentecôte, nous avons célébré – comme un seul jour – la résurrection du Seigneur. Nous chantions : « Voici le jour que fit le Seigneur, jour d’allégresse et jour de joie ! », en reprenant le psaume 117 qui affirme que « la droite du Seigneur a fait des prouesses ». Nos prières rappelaient ce que Dieu le Père a réalisé pour son Fils Jésus : il n’est pas resté prisonnier du tombeau. C’est ainsi qu’il apparaissait à ses disciples, les habituant peu à peu à ce qu’ils n’avaient pu concevoir auparavant. Il est vivant, différemment, mais réellement vivant. Nous découvrions aussi, avec les Apôtres, que l’Esprit de Dieu s’est manifesté depuis la croix. C’en Lui que Jésus a remis son souffle de vie ; c’est lui qui l’a fait jaillir du tombeau, force agissante de Dieu. Cet Esprit, le sien, le Ressuscité l’a donné aux siens pour qu’ils annoncent désormais à sa suite que le Royaume de Dieu est là, tout près. C’était la fête de le Pentecôte. Et puis, dimanche dernier, la fête de la Sainte-Trinité a voulu nous redire, dans un condensé assez prodigieux, tout ce mystère d’un Dieu unique en trois personnes de même nature. Nous le comprenons mieux chaque fois que nous traçons sur nous le signe de la croix, comme nous l’avons fait encore aujourd’hui en entrant dans la célébration. L’invocation du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ne reste pas un concept éloigné de nous. Bien au contraire, il rejoint notre existence au point que nous en marquons notre corps, et même que nous l’enveloppons de ce signe. Dieu fait de nous ses enfants bien-aimés pour nous permettre d’entrer dans son intimité. La croix devient le signe de notre communion à Dieu.
Aujourd’hui, ce n’est pas une nouvelle solennité qui nous rassemble, comme si elle n’avait de lien avec les autres, depuis Pâques. L’Eglise nous invite à fêter le « Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ », à rendre grâce pour le don de l’eucharistie. Car à chaque fois que nous communions, que nous répondons « amen » en recevant le Corps du Christ, nous affirmons croire en cette présence « dans un fragment aussi bien que dans le tout » (séquence). Christ vient en nous pour, progressivement, de communion en communion, changer notre nature et transformer ce qu’il y a de bassement humain en nous en quelque chose d’un peu plus divin.
Le voici donc, le Pain, « le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu » (séquence), le pain de l’eucharistie. Il ne récompense pas les plus valeureux ou les plus dignes d’entre nous. Il est cette présence réelle de Dieu lui-même à ceux qui acceptent de le recevoir. Il guérit les blessures et panse les plaies de ce « désert », parfois « vaste et terrifiant » (Dt 8) de la vie. Il redonne courage quand la marche se fait difficile, au moment du sentiment de l’abandon. S’il nous semble que le Seigneur nous fait passer par la pauvreté, celle de notre cœur, de nos difficultés à aimer ou à pardonner, que le Seigneur nous éprouve – comme Il le fit pour le peuple au désert, nous savons qu’Il accomplit ce chemin avec nous.
A l’issue de la messe, nous ferons la procession. Nous nous mettrons en marche à la suite du Christ, présent dans son eucharistie. Plutôt, faudrait-il dire, Il marchera à nos côtés. Notre marche, qui heureusement pour nous ne durera pas quarante ans et ne nous fera pas éprouver la morsure des « serpents brûlants et des scorpions », ne sera pas l’occasion de faire prendre l’air au Seigneur, de lui montrer comme notre Alsace est belle, que nos géraniums sont vigoureux, ni pour vous l’occasion d’admirer avec envie ou exaltation dans le commérage les maisons des voisins. Non ! Cette marche sera le symbole de notre vie, une marche parfois pénible mais volontaire, une marche qui nous est commune, une marche que le Christ ne cesse d’accompagner à chaque instant et partout.
Ensemble « nous sommes un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10). Il est au milieu de nous pour faire de nous ce qu’Il est lui-même.
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz

jeudi 8 juin 2017

Homélie de la solennité de la Sainte Trinité (A) - 11 juin 2017

Si nous abordons le mystère de la Sainte Trinité à partir de l’énigme que représente la foi au Dieu unique en trois Personnes distinctes, il ne faut pas nous étonner qu’il soit difficile de croire à la Trinité de Dieu non seulement pour ceux qui sont en dehors de la foi mais même pour ceux qui sont chrétiens et essaient de l’être. Aussi bien l’Écriture, à travers les textes que nous venons d’entendre, nous indique-t-elle un chemin pour découvrir la réalité de la Trinité.  Ce chemin n’a pas l’aspect énigmatique dont le travail spéculatif tente de rendre compte. Ce n’est pas de cela que l’Écriture nous parle, même si c’est à partir de l’enseignement reçu de la parole de Dieu que l’intelligence humaine a été conduite à formuler les choses. Il s’agissait pour elle de rendre plausible la foi au Père, au Fils et au Saint Esprit.
 
Du commencement de la création à l’incarnation du Christ, à sa mort et à sa résurrection, le langage que Dieu emploie pour se faire connaître aux hommes est le langage de la miséricorde et du pardon. S’il veut nous faire découvrir quelque chose de lui, c’est précisément que nous ne pouvons le comprendre que si nous regardons cette caractéristique du Dieu miséricordieux et sauveur. La volonté de sauver l’humanité et de la prendre dans sa miséricorde a une telle importance dans l’identité divine qu’elle entraîne Dieu dans une sortie de lui-même alors que, dans beaucoup de systèmes religieux même très évolués, on se représente Dieu comme quelqu’un qui est auto-satisfait dans sa propre perfection, enfermé dans sa plénitude et sans relation avec l’humanité. Cela n’empêche pas beaucoup de ces religions de susciter une foi très vive. Ce n’est pas parce que des hommes et des femmes expriment leur foi en un Dieu inaccessible et indifférent aux péripéties de l’existence humaine que cette vision de Dieu est juste. Pour beaucoup, Dieu est une bulle fermée, il est la satisfaction de lui-même. En lui-même, il est indifférence à ce qui arrive aux hommes et donc à l’humanité. C’est l’expression de la fatalité : puisque Dieu ne s’intéresse pas à ce qui nous arrive, il ne peut pas non plus changer le cours de ce qui nous arrive, nous sommes impuissants à changer le monde.
 
 
La manifestation de Dieu à travers le peuple d’Israël et son achèvement dans la personne de Jésus de Nazareth constituent en quelque sorte l’affirmation que l’amour de Dieu ne se satisfait pas en lui-même et ne trouve son accomplissement que par une sortie de lui-même, une venue de lui-même, un envoi comme nous dira l’évangile selon saint Jean à propos de Jésus, Celui qui est l’Envoyé. Il est envoyé parce que Dieu ne peut pas se reposer en lui-même tant que l’humanité erre à travers les chemins de la perdition. Dieu sort de lui-même, non par une délégation très lointaine comme cela pouvait encore être le cas avec Moïse, ni non plus par un peuple élu comme c’était le cas avec Israël, ni par les Prophètes tels qu’ils se sont succédés : dans ces temps qui sont les derniers, il sort de lui-même par son Fils unique qu’il envoie en ce monde pour sauver le monde. L’amour qui conduit Dieu à sortir de lui-même est tellement puissant qu’il est Dieu lui-même : celui qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu est existence personnelle, il est Dieu même.
 
 
Si nous empruntons ce chemin de la miséricorde et de l’amour, nous découvrons peu à peu que le mystère de la Trinité n’est pas d’abord une énigme philosophique mais un profond mystère de l’amour. Nous ne pouvons pas le comprendre, non pas parce que nous serions mal outillés ou pas assez intelligents, mais surtout parce que nous ne connaissons pas très bien le langage de l’amour. La découverte et l’approfondissement de la réalité de l’amour manifestée dans la personne du Fils et répandue dans la Personne de l’Esprit transforment profondément le regard que nous avons sur les hommes.
 
 
Chacun a une valeur particulière aux yeux de Dieu, quelles que soient ses faiblesses, quels que soient ses handicaps, quel que soit même le mal qu’il a pu faire ou qu’elle a pu faire. Dans l’Esprit, nous sommes tous appelés à devenir dans le Christ des enfants bien aimés de Dieu.

 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

jeudi 1 juin 2017

Homélie de la solennité de Pentecôte (A) - 4 juin 2017

Nous avons entendu dans l’évangile quelque chose d’extraordinaire. Ils étaient tous enfermés par peur des juifs, et voilà que Jésus brise cet emprisonnement. Il est au milieu d’eux. Il n’est passé ni par la porte ni par la fenêtre qui étaient fermées. Tout était fermé, mais rien n’est fermé pour lui ! Il est là présent au milieu d’eux, vivant, ressuscité, et il vient pour les délivrer. Il vient les délivrer de leurs peurs, de leur inquiétude de l’avenir, de leur culpabilité, de tout ce qui constitue des handicaps humains de l’existence ; il est au milieu d’eux et il leur dit : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 21). Au jour de la Pentecôte, nous verrons le même phénomène se produire, Pierre sortira pour s’adresser à la foule, il ne restera pas enfermé. La vie et l’action du Christ dans son Église ne sont pas un processus d’isolement et de protection, c’est un processus d’ouverture et de communication, c’est un processus d’envoi en mission, pour annoncer que par le Christ, la paix est venue au monde. La vie chrétienne n’est jamais un repli sur soi.
Nous devons reconnaître dans le Christ ressuscité celui qui peut apporter la paix dans nos familles, dans nos communautés, dans nos sociétés, non parce qu’il aurait des formules extraordinaires, mais parce qu’il invite chacun à ouvrir son cœur à l’autre, à vivre le pardon, à entrer dans la miséricorde, à se faire proche de celui qui est loin. Tout cela, nous le savons, ne correspond pas au dynamisme spontané de nos désirs. Si nous nous laissions aller à notre nature, nous préférerions être protégés, enfermés, coupés de ces conflits, de ces tensions, de ces disputes peut-être, de ces regards haineux. C’est pourquoi nous avons besoin de la plénitude de l’Esprit pour que notre approche de nos frères soit vraiment une approche humaine et chrétienne.
 
Cet Esprit nous comble de sa joie, comme nous voyons les apôtres remplis de joie en rencontrant le Christ ressuscité. Bien sûr, nous avons tous des motifs d’inquiétude, nous avons tous des souffrances diverses qui traversent notre vie, les croyants comme les autres, les chrétiens comme les autres. Le Christ ne vient pas faire disparaître ses difficultés, il vient nous dire que nous pouvons les porter, que nous sommes suffisamment forts pour assumer cette dimension de notre existence, et la vivre dans la paix. Nous sommes forts de la force de Dieu lui-même.
 
Nous appartenons au corps qui est aujourd’hui le corps ressuscité du Christ. C’est celui que nous décrivait saint Paul dans son épître aux Corinthiens, ce corps fait de tant de membres différents, mais tous animés par un unique Esprit. C’est cet unique Esprit qui recueille votre expérience particulière et personnelle, et qui vous fait entrer dans l’œuvre immense de Dieu lui-même. Chacun selon sa petite part, selon ce qui lui a été donné de vivre, participe de ce grand mystère de l’amour de Dieu manifesté aux hommes. C’est l’Esprit du Christ répandu en nos cœurs qui nous rend capables de ce témoignage rendu à l’amour de Dieu. Quand nous chantons la louange divine, nous acceptons de sortir de nous-mêmes, de faire advenir un son qui nous livre aux autres. Quand nos voix se mêlent, les unes tantôt frêles ou peu assurées, les autres exercées et puissantes, la louange qui en résulte est unanime. Les dons sont variés, les charismes aussi. Pourtant c’est la voix de l’Eglise, celle du corps du Christ, que nous donnons à entendre. Cette voix a toujours à se parfaire pour mieux correspondre à celle de la tête du corps, au Christ. Les dissonances de nos vies sont appelées à se corriger, les altérations à se résoudre, les rythmes à s’apaiser. Alors nous n’éprouverons plus ni peur, ni jalousie, ni rivalité à nous rencontrer pour sans cesse unir nos voix de baptisés, ce que nous sommes d’abord !, à celle des anges.  
Avec les disciples nous sommes dans la joie et nous rendons grâce à Dieu parce que nous mesurons bien ce qui relève de nos propres choix, de nos propres efforts, de nos disponibilités personnelles, mais nous mesurons surtout ce qui vient de la grâce de Dieu lui-même et qui déborde, ou plutôt qui reprend et amplifie tout ce que nous avons pu investir de liberté, de volonté, dans le choix de notre vie pour en faire un signe magnifique pour ceux qui nous entourent.
 
AMEN.
                                
Michel Steinmetz