« Je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le
monde » (Jn 17, 11). C’est comme par un constat que s’achève la prière de
Jésus dans l’Evangile. Lui va partir, et nous, nous resterons. Nous le
célébrions jeudi : le Christ est monté au ciel et désormais les disciples devront s’accoutumer dans cette
présence dans l’absence. Nous comprenons bien comment les disciples, bousculés
par ce départ du Christ - même s’il avait été annoncé - ont pu se trouver
désemparés et effrayés. Qu’allaient-ils devenir ? Qu’allaient-ils donc
faire ? Mais nous, nous ne sommes pas exactement dans la situation des
disciples. Car nous connaissons la suite de l’histoire. Nous ne sommes pas
réunis après avoir célébré l’Ascension en nous demandant ce que nous allons
devenir ! Nous savons que l’Esprit du Christ a été répandu en nos cœurs
par la foi. Si bien que notre célébration entre l’Ascension et la Pentecôte,
n’est pas une sorte de reconstitution artificielle pour essayer de nous faire
éprouver les sentiments des disciples, c’est au contraire une invitation à
découvrir, ou à mieux comprendre quelles sont la nature et la mission de
l’Église.
Celle-ci se constitue par l’assemblée des croyants telle que nous la
voyons dans les Actes des apôtres et telle qu’elle va se perpétuer au-delà.
Elle se constitue par une assemblée d’hommes et de femmes dont la présence est
motivée par la foi. Elle se constitue par la certitude que la présence de
chacun et de chacune, en répondant à l’appel que Dieu lui a adressé à travers
les circonstances de sa vie, l’installe comme un membre d’un corps et comme
solidaire de ce corps. Elle se constitue pour que chacun et chacune des membres
de l’Église puisse se fortifier de cette présence, développer sa foi en
l’Esprit Saint, nourrir la charité. Nous ne sommes pas une entreprise en quête
de reconnaissance : nous sommes un peuple habité par l’Esprit du Christ
pour endurer au long des âges ce qui manque encore à ces souffrances pour
accomplir le dessein de Dieu.
Mais ce peuple n’est pas rassemblé simplement pour se donner à lui-même
sa raison d’être et sa force, il est rassemblé pour aller à la rencontre du
monde qui l’entoure, des hommes et des femmes qui sont nos contemporains, ici
dans ce pays comme à travers le monde. Ce peuple est rassemblé pour poursuivre
la mission du Christ au service de la vie humaine. A travers chacune de nos
existences quelque chose est en train de grandir et de se développer, c’est la
vie de Dieu lui-même, une vie qui n’a pas de fin, cette vie éternelle dont nous
parle l’évangile de saint Jean. Cette vie éternelle, Jésus nous dit en quoi
elle consiste : « c’est qu’il te connaisse toi et celui que tu as
envoyé Jésus Christ ». C’est la clef qui nous a été remise pour que nous
la partagions, pour que nous la proposions, pour que nous l’annoncions de telle
façon que, à travers toutes sortes d’événements, le chemin de la vie apparaisse
de manière plus claire grâce à la manière dont Dieu l’éclaire en Jésus.
Cette nature et cette mission de l’Église se concrétisent chaque fois
que le peuple de Dieu est rassemblé. Elle s’accomplit chaque fois qu’il se
disperse pour aller annoncer la Bonne nouvelle aux hommes. Les deux mouvements
sont nécessaires, et l’un ne va pas sans l’autre. Voilà bien pourquoi il nous
faut sans cesse revenir à ce rassemblement, celui de l’eucharistie où le Christ
nous accueille, nous nourrit pour mieux nous envoyer. Nous avons besoin de
l’Église pour affronter l’absence visible du Christ, mais l’Église a besoin de
nous pour que le Père et le Fils soient annoncés et connus de par le monde.
Pour cela, il ne suffit pas que nous en parlions, il faut que nous en vivions. Il
faut que notre existence fasse apparaître que nous sommes remplis de confiance
alors que l’avenir se présente comme un doute permanent. Il faut que notre existence
fasse apparaître que nous sommes remplis de confiance alors que les hommes et
les femmes autour de nous vivent dans la crainte et la méfiance.
Frères et sœurs, redécouvrons la nature profonde de l’Eglise du Christ
que nous formons et annonçons la présence sans fin du Christ à notre
monde !
AMEN.
Michel
Steinmetz †