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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 28 avril 2017

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (A) - 30 avril 2017

On pourrait dire que les deux hommes qui cheminent vers Emmaüs sont des « déçus » de Jésus. Ils ont cru en lui, ou plus exactement, ils ont cru qu’il allait rétablir le Royaume d’ Israël, c’est-à-dire qu’il allait arranger les choses. Nous sommes tellement avides d’avoir des solutions magiques aux problèmes de l’histoire, aux difficultés de notre propre vie que nous imagions volontiers que certains personnages pourraient tout changer avec seulement quelques promesses électorales. Parfois nous imaginons même que Jésus est un tel personnage magique. Alors, nous aussi, nous devenons des « déçus » de Jésus. Nous avons cru qu’il pourrait nous éviter un certain nombre d’ennuis et de souffrances, nous avons cru peut-être, même, qu’il pourrait nous changer sans que nous ayons à nous convertir, et tout cela n’est pas arrivé ! Il n’a pas fait ce que nous attendions. Nous avons alors besoin, comme pour les deux compagnons d’Emmaüs, que nos yeux et notre cœur s’ouvrent.
 

Comment Jésus va-t-il pouvoir déplacer leurs attentes ? Il va leur expliquer, à partir de ce qu’ils connaissent, c’est-à-dire de toutes les Écritures qu’ils ont reçues dans leur tradition juive, quelle était la mission du Messie. Il va essayer de leur faire comprendre que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour le raccommoder, pour arranger les choses selon leurs désirs, pour restaurer la puissance d’Israël, mais pour autre chose. Laquelle ? « Pour que le monde soit sauvé ».
Peu à peu, ces paroles commencent à toucher leur cœur, au point qu’ils hésitent et regrettent d’être obligés de se séparer de lui, ils lui demandent de rester avec eux : « Reste avec nous, car déjà le soir tombe » (Lc 24,29). Et ce sera alors le deuxième signe que Jésus va leur donner pour ouvrir leurs yeux. Sans doute, ils ont entendu le récit des disciples qui ont participé à la Cène, mais quand ils voient le Christ refaire les même gestes, quand ils l’entendent prononcer les mêmes mots de bénédiction, alors leurs yeux s’ouvrent et ils comprennent d’où venaient cette chaleur et cet attrait qui les habitaient tandis que Jésus leur parlait en chemin. Et au moment où leurs yeux s’ouvrent, il n’y a plus rien à voir, il a disparu. Ils sont entrés dans le chemin de la foi. Leurs yeux se sont ouverts, et ils ont compris que Celui qu’ils avaient vu cloué sur la croix est maintenant ressuscité.
 

Alors, pour chacun d’entre nous, cet homme inconnu qui marche à nos côtés sur le c hemin de notre vie, celui qui nous aide à faire mémoire de ce que nous avons appris tout au long de notre vie sur l’histoire de l’alliance entre Dieu et l’humanité, celui que nous découvrons comme l’envoyé du Père, celui qui nous fait découvrir comment l’amour de Dieu accompagne l’humanité, n’a pas cessé de venir à la rencontre des hommes, celui-là est présent dans chacune de nos vies. Et cette présence mystérieuse, invisible, imperceptible, commence à réchauffer nos cœurs et à les rendre brûlants, quand nous faisons mémoire de sa parole. Nous n’avons pas besoin d’une grande bibliothèque pour méditer la Parole de Dieu. Cette Parole, nous l’avons dans nos cœurs, nous l’avons dans nos mémoires. Tous nous avons entendu et gardé dans la mémoire des paroles de Jésus qui étaient fortes pour nous. Elles sont simples, chacun a les siennes, mais ce qui nous est demandé, ce n’est pas d’en trouver de nouvelles, mais c’est de revenir à la source permanente de la parole du Christ en nos cœurs. Jour après jour, se mettre sous la lumière d’une parole du Christ qui va éclairer le chemin du jour, et quand le soir tombe lui demander qu’il reste avec nous, qu’il soit présent à notre vie, et vérifier, expérimenter cette présence du Christ dans notre vie par la célébration de l’eucharistie que nous vivons chaque dimanche.
 

Le Christ ressuscité ne va pas arranger magiquement notre vie, mais il nous donne la certitude et la force de sa présence. Il est celui qui illumine nos ténèbres, comme le cierge pascal nous le manifeste au milieu de notre assemblée. Il est celui qui nourrit notre faiblesse comme le manifeste le pain consacré qui est son corps et que nous recevons de sa main. Il est celui qui nous rend capables de rester debout et serein au milieu des difficultés de la vie.
 

 
AMEN.

 
Michel Steinmetz

jeudi 20 avril 2017

Homélie du 2ème diamnche de Pâques "in albis" (A) - 23 avril 2017


Profession de Foi des jeunes


Le personnage central de l’évangile d’aujourd’hui est sans conteste saint Thomas.  Et le pauvre Thomas joue un rôle bien particulier : il est incrédule, il a du mal à croire.  Cela fait de lui la cible rêvée pour tous les gens bien-pensants. Comment Thomas a-t-il pu douter ? Nous, au moins, nous croyons même si nous ne voyons pas Jésus ressuscité, même si nous ne touchons pas son corps transpercé. Et pourtant Thomas n’est-il pas notre frère ? Thomas n’est-il pas notre jumeau ? Regardez : dans l’évangile, on nous dit qu’il s’appelle « Thomas dont le nom signifie jumeau », mais de qui est-il le jumeau ? L’évangile ne le dit pas, peut-être parce que Thomas résume à lui seul tout un aspect de notre destinée humaine.
 
C’est lui qui, pendant la dernière Cène, crie avec tous les autres : non, Jésus, nous ne t’abandonnerons pas (Matthieu 26, 35).  Et c’est vrai que, quand tout va bien, on est prêt à crier notre joie d’être chrétien. On est même prêt à réformer l’Eglise pour qu’elle soit plus vivante, plus proche du peuple, moins hiérarchique.  On est prêt à donner des leçons à tout le monde, au pape, aux évêques, aux prêtres.  Mais quand viennent les grandes difficultés, c’est la débandade, le découragement, l’éloignement.  Non, je ne vais plus à l’église parce que le curé ne me plaît pas, parce que l’homélie est trop longue… ou trop courte, parce qu’un tel ou telle ferait de mieux rester chez lui ou chez elle quand on le, la, voit agir et parler en sortant de la messe.  Après l’enthousiasme, c’est le découragement, l’abandon. Et pour revenir, il nous faut un signe fort, quelque chose de concret, de révolutionnaire. Et qu’est-ce que Thomas a touché ? Des plaies, des trous dans la chair.  Thomas a découvert l’amour dans la souffrance.
 
Et c’est là, sans doute, un peu l’ambiguïté de toute notre attente. Chers jeunes, vous êtes épris d’un désir d’absolu, vous rêvez à de grandes choses pour que notre monde soit plus beau et vous êtes prêts à vous engager à cette fin. Vous nous l’avez déjà montré. Voilà que vous faites aussi l’expérience et l’apprentissage de la vie, d’une vie où tout n’avance pas toujours comme on le souhaiterait. Vous vous heurtez parfois à des adultes qui vous tempèrent insupportablement dans vos ardeurs et que vous trouvez éteints. Pourtant c’est ainsi… Peut-être demandez-vous des signes parce que vous voulez voir pour croire et qu’il vous semble tout aussi insupportable de faire simplement confiance à ce qu’on vous dit.
 
Thomas a été confronté aux mêmes questions. Les Apôtres lui racontent qu’ils ont vu le Seigneur. Lui en demande plus : il ne veut pas seulement voir, il lui faut toucher aussi. Jésus ressuscité y consent, mais met en garde : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Car à force d’attendre des signes, on peut passer sa vie à ne rien faire. Le chrétien n’est pas celui qui attend que le temps passe en espérant que le bon Dieu ne l’oubliera pas, ou qui se trouve toutes les bonnes excuses du monde. Je prie quand je peux, mais je n’ai guère le temps. Ne me parlez pas de la messe du dimanche ! Et puis, Dieu, on peut le rencontrer partout. C’est vrai : il faut défendre les valeurs de la religion chrétienne, mais je suis le premier à m’accommoder quand il s’agit de s’en dispenser.
 
Chers jeunes, ne devenez pas des chrétiens hypocrites qui trahissent à longueur de journée Jésus ressuscité ! Ne vous résignez pas à devenir des mollassons de la foi ! Le Christ nous fait le don de sa paix. En lui, vous trouverez toujours ce dont vous avez besoin, ce qui donnera des fondations à votre existence, ce qui donnera la force de l’Esprit-Saint. Restez inventifs pour traduire l’Evangile dans la société d’aujourd’hui telle qu’elle est. L’exemple des premières communautés doit toujours nous stimuler. En effet, ne nous y trompons pas : c’est en nous voyant vivre réellement de la foi, en pratiquant la charité, en venant en aide à ceux qui sont dans le besoin, en étant assidus à l’eucharistie, que nous éveillerons autour de nous l’envie et le désir de devenir chrétiens.
 
AMEN
 
 
Michel Steinmetz

jeudi 13 avril 2017

Homélie du Saint jour de Pâques - dimanche 16 avril 2017


La peur de l’absence
 
« Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs.. » C’est ainsi que commence le discours de Pierre chez un centurion de l’armée romaine. Oui, tout le monde sait ce qui s’est passé. Au point que, ce soir, les deux disciples qui feront route vers Emmaüs, s’étonneront grandement que leur compagnon de route n’en sache rien. Nous-mêmes, nous savons bien ce qui s’est déroulé à Jérusalem. Depuis dimanche dernier, nous en sommes. Nous avons été associés à ces tragiques instants. Jésus, Celui que nous croyions le plus fort, en qui nous mettions tout notre espoir, a été suspendu à la croix. Il y est mort comme un criminel. La pierre roulée devant son tombeau a fermement scellé nos désillusions et y a enfoui nos rêves. C’est fini.
Or, voici que ce matin, Marie-Madeleine se rend au sépulcre. Il fait encore nuit, certes, mais elle sait ce qu’elle voit. Le corps n’y est plus. Et, chose troublante : les linges, qui avaient servi à enveloppé le corps de Jésus, sont posés à plat. C’est ce que constate tout d’abord Jean, puis ce qu’authentifie Pierre. Où est donc le Seigneur ? On n’en sait rien, mais une chose est sûre, aussi sûre qu’elle soit instantanée : il vit et il crut. Cela suffit à Jean. L’expérience lui fait dépasser sa raison, son intelligence, son sens pratique. Sa certitude est celle du cœur, d’un cœur qui comprend de manière fulgurante qu’il n’a pas été trompé. Tout prend du sens. Toutes les paroles de Jésus, ses miracles, ses signes, tout.
 
Nous voici, penchés au-dessus du tombeau, et ce matin nous n’avons d’autre signe que celui d’une absence. Une absence toute remplie d’une présence incroyablement forte. Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Beaucoup ont déjà fait l’expérience douloureuse d’une absence, celle d’un être cher notamment. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », dira Lamartine dans son poème. Il faut beaucoup de temps, et de foi, pour trouver dans son absence une forme nouvelle de sa présence. C’est ce que nous appelons la « communion des saints », qui est comme un premier fruit de la Résurrection en nous montrant que la mort ne sépare pas ceux qui sont en Dieu. L’absence, c’est parfois pour d’autres le sentiment que Dieu lui-même les a abandonnés ou que Dieu ne peut plus rien pour eux. Cette absence alors semble plonger dans un abîme. Pourtant, les Apôtres et les saintes femmes découvriront, à leur corps défendant, que le Christ n’a jamais été aussi présent et agissant en eux et pour eux qu’après sa résurrection, c’est-à-dire au cœur de son apparente absence. La pâte qu'ils étaient sera désormais pétrie de ce ferment nouveau qui leur fera repousser toutes les limites. Leur peur se transformera en courage. Elle ne les paralysera plus. Et bientôt, eux, des gens simples, relativement peu instruits, seront baignés de la force de l’Esprit.
Il y a quelques semaines s’est achevée au Saint-Sépulcre de Jérusalem, la restauration du monument élevé au-dessus du tombeau du Christ. C’est là un fait historique à un double titre : la dernière restauration remonte à plus de deux cents ans, et le rocher a été dégagé. Quelques rares témoins ont ainsi pu toucher de leurs mains la pierre qui a recueilli le corps de Jésus. Expérience bouleversante. Des instruments de mesure très perfectionnés se seraient même emballés et seraient tombés en panne au moment où la pierre a été dégagée. Comme les Apôtres, ils se sont penchés et, comme eux, ils ont vu. À la différence des textes des évangiles, il n’y avait plus ni linceul, ni suaire. Il n’y avait que du rocher nu. C’est pour cela qu’il n’y a rien à décrire. Une journaliste française, travaillent à l’ombre du Saint-Sépulcre, en a été. Elle témoigne : « Je suis entrée et j’ai vu qu’il n’y avait rien à voir. C’est ça qui est extraordinaire. On nous demande de rendre compte de rien, puisqu’il n’y a rien à voir. Pas facile à suivre le gars… C’est Jésus, quoi ! » Dans le monde actuel qui trouve quotidiennement de nouvelles raisons de se torturer, l’expérience de ces témoins redit ce que la foi chrétienne professe : le monde est sauvé, il appartient aux chrétiens d’en témoigner, voire de l’incarner. Entrons dans le tombeau pour voir qu’il n’y a rien à voir. Entrons, voyons et croyons ! Le Christ est ressuscité et Il l’est pour l’éternité.
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

Homélie de la Vigile pascale et Messe de la Résurrection - samedi 15 avril 2017


La peur des lendemains
 
Il y a quelques jours des amis très proches ont eu la joie d’accueillir dans leur foyer une petite fille. En allant, comme il se doit, rendre une visite en maternité à la maman et faire connaissance avec ce petit bébé, je n’ai pu m’empêcher, en la regardant, d’être pris par l’émotion. Une joie, certes, sachant celle des parents et de deux grands frères. Une peur confuse, aussi, je l’avoue, en me demandant quelle serait la vie de cette adorable petite fille. Quelle vie pour elle ? Personnelle, familiale, tout d’abord. Connaîtra-t-elle le bonheur ? Aura-t-elle la sérénité d’une vie heureuse ? Mais quelle vie aussi pour elle dans le monde qui l’accueille ? Que deviendra ce monde dans les années à venir ? Aura-t-elle la grâce de grandir, de vivre et de mourir un jour dans un monde de paix ?
 
Mon angoisse, je sais que vous la partagez, peu ou prou, pour vos propres enfants, petits-enfants et pour tous ceux qui vous sont chers. Nous le savons, il y a de quoi s’interroger. Nous avons aussi des raisons d’espérer. Espérer devant les progrès de nos sociétés qui, quoi qu’on en dise, et bien qu’il reste d’innombrables inégalités et injustices, sont immenses. Au regard de l’Histoire, nous devons nous garder d’idéaliser un passé que nous n’avons pas connu et qui, par définition, est toujours meilleur que les temps que nous affrontons. Pourtant la peur des lendemains, elle, s’invite toujours. Elle nous taraude comme elle le faisait pour les disciples de Jésus claquemurés après que Jésus a été mis au tombeau. Ce soir encore, ils étaient réunis, terrés et apeurés, se demandant ce qu’ils allaient devenir. Finalement, ils s’étaient compromis avec Jésus. Et tout le monde le savait. Tout le monde les avait vus. Pierre avait beau nié devant l’insistance pressante de la servante dans la cour de Caïphe : toi aussi, tu en es…, on savait qu’il en était. Allaient-ils donc devoir subir le même sort que leur Maître ? Mourir pour s’être fait tromper et balader durant trois ans. Il leur avait bien dit qu’il ressusciterait, il avait tenté de leur donner des signes pour qu’ils comprennent. Eux ne pouvaient le concevoir. Il faut donc attendre le petit matin pour que les femmes trouvent la pierre roulée et le tombeau vide, les linges bien roulés cependant à leur place. Un ange s’en mêle et les appelle à ne pas craindre. Leur cœur est bouleversé. Et si, finalement, c’était vrai ? Jésus lui-même les conforte dans cette joie innommable : il les salue et les envoie comme messagères de la bonne nouvelle. Il a suffi d’un regard, d’une parole pour que les lendemains qu’ils imaginaient ténébreux soient transfigurés. A partir de cet instant, rien ne les arrêtera plus.
 
Ils comprendront, non pas d’abord avec leur intelligence, mais dans leur cœur, et comme une certitude absolue, qu’il leur ait donné d’être les témoins de l’action de Dieu. Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour annoncer les actions du Seigneur. Ils contemplent ce que des générations de croyants avant eux ont espéré fébrilement. Ils parcourent instantanément toute l’histoire du salut depuis la création du monde, en passant par la sortie du pays d’Egypte, jusqu’à l’enseignement des prophètes qui ont parlé de la part du Seigneur. Nous l’avons fait avec eux tout à l’heure. Et, avec eux, nous avons constaté combien le Seigneur n’a jamais abandonné ceux qui croient en Lui. Avec eux, nous sommes maintenant à l’entrée du tombeau. Par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui. C’est pourquoi allons-nous mener une vie nouvelle avec Lui ? Allons-nous repartir, comme si de rien n’était ? Le pouvons-nous ? Car, si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne.
 
Frères et sœurs, nous avons peur des lendemains. C’est vrai. Avec les Apôtres, avec Marie-Madeleine et l’autre Marie, laissons-nous ce soir bouleverser par ce tombeau vide. Le Ressuscité nous envoie être ses témoins. Oserons-nous affirmer que la peur n’est pas de mise ? Oserons-nous en vivre ? Oserons-nous le faire voir ? Quoi qu’il advienne, nous sommes vivants pour Dieu en Jésus-Christ.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 7 avril 2017

Homélie de la célébration de la Passion et de la Mort du Seigneur - 14 avril 2017

 

La peur de mourir
 
En méditant la Passion selon saint Jean, comme nous venons de le faire ensemble, nous pouvons être surpris par l’apparente sérénité et la calme détermination de Jésus. Un peu comme si le Seigneur marchait vers le sommet du Golgotha aussi simplement que l’énonce le prophète Isaïe : il montera, il s’élèvera, il sera exalté. Le cortège de souffrances qui l’accompagne, et que le même Isaïe annonçait, semble ne pas avoir de prise sur Lui. Tout semble désormais joué. Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, comme le dit saint Jean, renvoie Pilate à ses propres questions, au point que ce dernier redoubla de crainte. Le Christ ne semble pas ici avoir peur de la mort. Il l’accepte librement et semble même la fixer droit dans les yeux. C’est son attitude qui génère la crainte.
 
Oui, parce que, nous, nous avons sans doute peur de la mort. Peur de ce qui adviendra après, pour nous et pour nos proches. Peur de savoir s’il y a quelque chose « après ». Peur de Celui que nous rencontrera et qui portera un jugement sur ce que nous aurons fait, sur notre capacité – ou pas – à aimer, à bien aimer. Peur des relations nouvelles qui seront tissées. Peur de ce que nous deviendrons. Peur certainement aussi de la manière dont nous arriverons à cet ultime instant où, pour nous, tout sera accompli, et où nous n’aurons d’autre choix que de remettre au Père cette vie que, de Lui, nous avons reçue.
 
Dans les évangiles de Luc, Marc ou Matthieu, Jésus n’est pas exempt de sentiments à l’approche de sa mort au point de crier vers le ciel ; Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Et pourtant il ne se rebelle pas, ne se détourne pas de son Dieu. Par-delà son apparente absente, il continue de Lui faire confiance. Moi, je suis sûr de toi, Seigneur, je dis : ‘Tu es mon Dieu !’. Mes jours sont dans ta main : délivre-moi des mains hostiles qui s’acharnent. (Ps. 30). L’espérance s’avèrera la plus forte.
 
Voilà pourquoi la mort de Jésus est un exemple pour nous et voilà pourquoi nous nous découvrons en Lui le grand-prêtre capable de compatir à nos faiblesses, un grand-prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. En passant devant nous pour nous laver les pieds et nous demandant de le faire en mémoire de Lui, Jésus nous rappelait hier soir notre fraternité. Ce frère qu’Il est pour nous nous indique maintenant que nos peurs sont vaines devant la mort. Il les a affrontées pour les exorciser. Il ne les supprime pas car elles demeurent légitimes pour nous. Mais nous savons désormais, sans pouvoir nous l’imaginer – il est vrai, que cette mort sera un passage. Sa constance nous donne la force de notre constance. Nous pouvons nous appuyer sur Lui et Lui remettre ce qui est trop lourd à porter à supporter. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes.
 
La mort a emporté Jésus aussi sûrement que la pierre, une fois roulée devant le tombeau, le plongera dans l’obscurité. Cependant, nous nous tenons désormais là, dans l’attente que Dieu fera des merveilles. Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Il se révèlera à tous ceux qui consentiront à mourir à ce qui gangrène leur existence et la rend terne, à ceux qui auront la folie de défendre la croix comme signe de leur victoire, à tous ceux qui demeureront les yeux fixés sur la pierre du tombeau. Ceux-là, sans plus de peur, seront dans la joie quand ils verront la pierre roulée et le tombeau vide.
 
Frères et sœurs, voulez-vous, avec moi demeurez dans cette espérance et dans cette confiance que Dieu est plus grand que la plus grande des peurs ?
 
AMEN.                  
 
 
                                                                                                                                                                                  
Michel Steinmetz

Homélie de la Messe "in coena Domini" - 13 avril 2017


 
La peur de se donner
    

En s’abaissant devant ses disciples pour leur laver les pieds, Jésus bouleverse notre rapport les uns avec les autres. Il renverse la pensée bien ancrée dans notre monde que le plus fort gagne, que c’est celui qui est le plus beau, le plus intelligent, le plus riche qui devrait être servi. Lui qui est-il ? Ce soir, Il est avec ses plus proches, ceux qui L’ont suivi, parfois en n’y comprenant pas grand-chose, depuis trois ans. Mais peu à peu, ils sont entrés dans son intimité, dans ce rapport si particulier qu’Il a avec Dieu et qu’il s’autorise à appeler son « Père ». Eux-mêmes comprennent, parce qu’Il le leur a appris, que c’est ainsi qu’ils doivent le prier. Pourtant, ils le reconnaissent, Jésus, comme leur Seigneur et leur Maître. Ils ont été impressionnés par les miracles qu’Il accomplit, par l’autorité avec laquelle ils parlent et qu’ils découvrent comme venant de Dieu. Alors, maintenant, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se met dans la position de l’esclave. Car le geste qu’il s’apprête à poser est bien celui-là : celui de l’esclave lavant les pieds de son maître à son retour à la maison, en un temps où l’on marchait pieds nus ou avec des sandales sur des routes poussiéreuses. Inconcevable. Pierre réagira. Cela n’est pas tolérable. Jésus demande qu’on le laisse faire.

 
A Pierre qui demande d’être alors lavé tout entier, Jésus répond : Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds. Ce bain, c’est celui de la vie en Dieu. Celui de notre baptême. C’est celui que les Apôtres vivront en étant plongés dans les heures à venir dans le mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur.
 

Jésus laisse un exemple, qui sera un commandement : Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Comment désormais celui qui s’estime plus riche, plus intelligent, plus beau, plus puissant pourrait-il refuser de s’abaisser devant son frère qui n’a pas la même chance que lui dans la vie ? Puisque le Fils de Dieu l’a fait et qu’il mourra par amour sur la croix, comme le dernier de tous.

 
Bien souvent, nous avons peur de l’autre, de celui qui ne nous ressemble pas, de celui qui est fragile. Parce que celui-là nous place devant nos propres pauvretés et fragilités. Il les reflète comme le ferait un miroir. Celui que nous essayons d’être, pour être quelqu’un aux yeux du monde, se découvre, lui aussi, faible et petit. Alors il préfère détourner le regard, vitupérer contre celui qui ferait mieux de travailler que de mendier, de s’insérer plutôt que de vivre à la marge. Nous n’osons ni un regard, ni évidemment un geste ou une parole. Ce soir, Jésus ne nous laisse pas le choix. Il faut dépasser sa peur de l’autre, du frère, de la sœur, quel qu’il soit et tel qu’il est. Il faut se mettre à son niveau, entrer en relation avec lui et lui ouvrir son cœur. Ces dernières semaines, dans la proximité des échéances électorales, certains voudraient faire grandir notre peur devant le prochain. Jésus, par son geste au moment où Il s’offre pour nous, terrasse cette peur. Il montre clairement que son disciple se met au niveau de son prochain et l’accueille comme un frère. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. Ce soir, le Christ inaugure sa victoire pascale parce que, ce soir, il consent à se donner lui-même. Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. N’espérons être riches en Dieu si, d’abord, nous ne consentons pas à nous mettre à genoux les uns devant les autres, à nous reconnaître chacun et chacune frères et sœurs.
 

Frères et sœurs, êtes-vous prêts à dépasser votre peur, à assumer vos propres fragilités, pour accueillir l’autre ?

 
AMEN.


Michel STEINMETZ

Homélie de la messe du dimanche des Rameaux et de la Passion - 9 avril 2017

La peur du qu'en dira-t-on

Nous entrons en Semaine sainte. Voilà plusieurs semaines que le Carême a voulu nourrir notre entraînement à vaincre nos tentations et nos peurs. Aujourd’hui sans doute nous hésitons à entrer à Jérusalem, ou bien nous le faisons sur la pointe des pieds. Allons-nous Le suivre jusqu’au bout, jusqu’au don de nous-même avec Lui ? La tentation de rebrousser chemin est grande, d’autant plus que la foule est rassemblée sur le parcours et que l’anonymat n’est pas de mise. En Le suivant, nous ne passerons pas inaperçus. Le suivre, ce serait manifester notre appartenance à la cause de Dieu. La peur, elle aussi, nous habite. Celle du qu’en dira-t-on. Celle du regard que les autres posent sur nous. Pourtant Jésus exorcise cette peur et la vainc pour nous.
 
Que fait-il ? De signes en signes, de miracles en miracles, d’enseignements en enseignement, Il ne s’est pas dérobé. Son attitude n’est pas celle d’une tête-brûlée, d’un suicidaire pathologique ou d’un illuminé. Peu à peu s’est dessinée pour lui l’absolue certitude que la fidélité à la mission qu’il a reçue du Père le conduit à accepter son destin et à ne rien trahir de sa relation au Père. C’est ainsi qu’il envoie les disciples en avant de Lui préparer son entrée dans la Ville sainte pour que l’Ecriture s’accomplisse. Nous comprenons mieux alors la grandeur et la valeur de la mort de Jésus, consentie volontairement comme un don de soi. Malgré la souffrance et même l’angoisse, Jésus peut affirmer avec le prophète Isaïe : Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. Il accepte maintenant ce qui va advenir en s’abandonnant totalement à ce Dieu qu’Il sait être fidèle. Car Jésus n’est pas dupe. Il connaît la versatilité de la foule. Les acclamations et les hourras de ce jour ne dureront. Ils cèderont la place aux cris qui réclameront sa mort pour qu’on libère à sa place un bandit. Porté dans les sondages d’opinion comme le favori, sa côte de popularité chutera cinq jours plus tard. Et de tous, il sera abandonné. Le psaume 21, celui qui nous chantions tout à l’heure, Il le reprendra à son compte : tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête. Les heures de la Passion seront là. IL ne se dérobera pas : le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages. Adulé hier, il sera défiguré par les souffrances en montant au Golgotha. Celui qui faisait rêver les foules car elles voyaient en Lui un libérateur sera le même dont la vue deviendra insupportable. Pourtant Jésus continue sa route. Il a compris que c’est en s’abaissant jusqu’à la mort et la mort de la croix, en prenant la condition de serviteur, qu’il sera exalté. Mais pas Lui tout seul. Avec Lui, à la seule invocation de son Nom, toute puissance sera détruite, même celle, ultime et qu’on croyait invincible, de la mort.
 
Nous hésitons à Lui emboîter le pas. Et sans doute nous avons bien des raisons légitimes de le faire. Nous déclarer du Seigneur, oser dire que pour nous l’Evangile vaut la peine de nous battre pour être entendu et proposé, ne pas faire comme tout le monde, affirmer des valeurs supérieures à celles qui pourtant sont à la mode, tout cela peut faire peur. Qu’en dira-t-on ? Dans nos familles, à l’école, au collège, au lycée, dans nos lieux de travail, de loisirs ? Nous pouvons rester en marge, c’est vrai, et nous lamenter, pleurer amèrement sur la Jérusalem de ce temps comme les femmes pleuraient en voyant passer Jésus sur son chemin de souffrance. Mais nous n’empêcherons pas alors la parole du Seigneur de nous bousculer : pleurez plutôt sur vous et sur vos enfants ! Il faudra pleurer sur notre sort. Celui de ne pas avoir eu assez de foi pour croire que Dieu jamais ne nous abandonnera. La recherche de la Vérité, de la justice, de la paix peuvent sembler hors d’atteinte. Mais si nous rebroussons chemin, si nous n’osons pas entrer maintenant à Jérusalem avec Lui pour Le suivre jusque dans sa mort – la mort donc à nous-même et à ce qui nous tétanise pour nous déclarer de Lui, chrétiens – alors il n’y aura pas de Pâques.
 
Frères et sœurs, je vous le demande, et j’attends votre réponse : êtes-vous prêts à lui confier vos peurs pour qu’en Lui elles soient vaincues ? Etes-vous prêts à Lui faire confiance et à marcher à sa suite ?
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz