A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

vendredi 19 juin 2015

Homélie du 12ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 21 juin 2015

L'Eglise vit aujourd’hui, dans nos pays, un effondrement apparent qui nous inquiète tous. La barque de saint Pierre est secouée. Elle prend l’eau de toutes parts. Va-t-elle va couler à pic comme le Titanic ? Le temps de la chrétienté est terminé. Il subsiste en notre imaginaire comme ce temps idéal où le sol était ferme et tout bien assuré. Mais elles sont loin les années où l’Eglise était installée, puissante, avec plusieurs prêtres par clocher, des réseaux multiples d’organisations, la catéchèse pour tous les enfants et des églises bondées. On peut être fier de ce passé, même si je crois il est vraiment idéalisé et prend l’allure d’une image d’Epinal. L’Eglise, avant-gardiste, a créé les premières universités, les hôpitaux, les écoles pour démunis, les mutuelles et les maisons d’édition. Maintenant, l’Etat prend à sa charge aussi bien l’enseignement et la culture, que la santé et la solidarité. Faut-il s’attrister que l’Etat assume enfin ses responsabilités ?
 
Ces changements profonds nous effraient comme une tempête qui secoue profondément. De fait, nous sommes en butte à l’indifférence ou au dénigrement, à des vagues successives de revanche, de ressentiment, d’agressivité, parfois même d’un apparent athéisme d’Etat. Notre fidélité fait rire et nos symboles sont objets de dérision dans les médias et la publicité. On a même entendu proposer, ces jours-ci, que les églises vides et abandonnées puissent passer à un autre culte non-chrétien, alors que bien souvent les Etats où ce même culte est majoritaire ne tolère pas qu’on construise une église... Cette fois la barque de saint Pierre est prise dans la tempête, tout s’en va à veau l’eau et nous allons couler. Faut-il revenir en arrière, rentrer au port, nous mettre à l’abri dans un passé idéalisé ? Faut-il prier le Christ et le secouer ? A l’évidence, il dort. Oserons-nous le réveiller ?
 
Jésus dort et son sommeil est symbole de mort. Il est couché, inerte, à plat. C’est la Pâque et la panique est là, sauve qui peut, chacun pour soi ! Mais voici qu’il s’éveille. Il se met debout, et c’est la Résurrection. « N’ayez pas peur ! » La tempête est tombée, le calme s’établit dans la lumière de Dieu. C’est le petit matin d’une nouvelle création dans un silence merveilleux. Tout l’Evangile nous dit ce passage d’un bord à l’autre de la vie, au travers de la peur. La foi correspond à un incessant départ en mission, de l’autre côté du lac et le passage est toujours risqué. Tout l’Evangile nous dit que malgré tout, Jésus est au milieu de nous et que c’est lui qui nous conduit. Nous ne comprenons pas tout, nous ne comprenons parfois même plus rien, mais nous pouvons nous appuyer sur lui comme s’est lui-même appuyé sur son Père, notre Dieu.C4est la foi. Elle permet de surmonter la peur. Non pas de ne plus avoir peur du tout, car nous avons toujours peur, mais la foi nous donne de ne pas être paralysés. L’Evangile ne nous cache pas que le monde change, que les temps changent, que la tempête fait rage, qu’il fait nuit. Mais il nous dit aussi que le Christ nous accompagne et qu’il a traversé la mer. Il a franchi les obstacles, en particulier la mort. Il a mis le pied sur l’autre rive et il nous y conduit.
 
Si nous regardons l’histoire avec sérieux, nous verrons que toutes les générations ont vécu l’impression d’être les dernières. Comme le disait Jean Paul II aux chrétiens du Maroc : « on ne vous demande pas de faire nombre, on vous demande de faire signe ». Ainsi donc jamais la vie n’a été facile et il faut toujours aller de l’avant, passer sur l’autre rive sans vouloir s’installer. C’est vrai pour tout le monde mais nous, nous le savons. L’Evangile nous le dit clairement. C’est la condition normale de l’homme et celle du chrétien. Dans cette traversée nous ne sommes pas seuls et, même si les vagues sont fortes et tout semble sombrer. Même si Jésus dort, les vents et le ciel lui obéissent. En attendant il ne reste plus qu’à ramer !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 12 juin 2015

Homélie du 11ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 14 juin 2015

Jésus assure que le moment décisif a sonné au cadran de l’histoire. Avec lui, c’est Dieu lui-même qui vient inaugurer son règne. A chacun de laisser venir ce règne en « se convertissant », en faisant confiance à l’annonce de Jésus. La foule demandait des guérisons et des miracles ; les disciples suivaient Jésus dans l’espoir d’avoir les meilleures places dans un royaume de grandeur et de puissance (9, 34 ;  10, 37). Mais alors quel est ce Royaume mystérieux ? Aucun évangile n’en donne une définition claire et précise. Comme les rabbins de son temps mais avec un génie inégalé, Jésus a eu le don d’inventer de petites histoires pour guider les cœurs vers la compréhension de ce qu’il voulait en obéissance à Dieu : les paraboles.
 
Jésus disait : «  Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ. Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille car c’est le temps de la moisson ». Déjà, dans la première parabole, Jésus se comparait à un semeur qui jette les graines (ses paroles) dans les cœurs où elles fructifient selon les bonnes volontés. Ici il affirme sa certitude tranquille : sa Parole peut bien sembler ridicule, inefficace, inutile, mais elle modifiera la vie car elle porte en elle une puissance de vie qui se développera à son rythme et donnera du fruit en son temps. En même temps, il met en garde les disciples contre l’impatience et le zèle intempestif : il ne faut pas désirer des fruits avant le temps comme le paysan sait qu’il est inutile de tirer sur les feuilles. Le texte grec dit : elle pousse « automatè », c’est-à-dire de façon  « automatique », par la force même qu’elle contient, par la puissance de Vie.
 
Quel  a été ensuite le début de ce règne de Dieu sur terre ? Il était comparable à la petitesse de la graine de moutarde : la plus petite de tout le potager. Un pauvre prédicateur juif circulait dans un espace de quelques km2 pendant trois ans, abandonné par ses disciples et condamné à la mort ignominieuse de la croix : événement insignifiant dans l’Empire romain. Or aujourd’hui qu’en est-il advenu ? Combien d’êtres humains en recherche de sens ou en état de perdition sont venus se réfugier près du Christ, se sont désaltérés à la source de l’Evangile, ont accepté de donner leur vie pour ce Nazaréen ?
Début insignifiant et extension universelle : dans tous les peuples, sur tous les continents, le baptême enfante des disciples, la croix est vénérée, la Bonne Nouvelle est lue, étudiée, proclamée, accueillie avec allégresse ! Lorsque l’on jette les grains de l’Evangile et l’amour de Jésus en pleine terre humaine, au sein profond de l’humanité, ils subissent beaucoup d’échecs certes mais toujours ils fructifient, guérissent les plaies, dilatent les espérances, allument le feu de la charité. Trop souvent, nous n’osons pas prendre des initiatives, nous élancer, seuls, en pionniers, inventer des façons inouïes de propager la Bonne Nouvelle, lancer une idée petite comme une graine mais dans l’espérance que – si Dieu le veut et quand il le voudra – elle portera du fruit.
 
Il me semble que cette parabole vient à point nommé. Trop souvent, et sans le dire, nous venons à douter de la force de l’Evangile. Nous sommes guettés par ce grand danger spirituel de l’acédie. C’est un terme un peu technique que les Pères du désert, à origine du monachisme en Egypte, utilisaient pour désigner cette résignation qui se transforme en paresse et qui atteint l’âme au plus profond. « A quoi bon ? », c’est son slogan. « Que voulez-vous que j’y fasse ? », « on ne peut rien y faire », sont les symptômes de cette grave maladie. Frères et sœurs, soignez-vous ! Ne tardez pas ! Prenez le doux médicament de l’Evangile ! La Parole vivante de Dieu ne cesse de produire du fruit.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 5 juin 2015

Homélie de la solennité du Corpus Domini - 7 juin 2015

Aujourd'hui nous sommes rassemblés pour célébrer ensemble, et de manière solennelle, l’eucharistie. L’Eglise fait le Corps et le Sang du Seigneur, qui nous sont donnés en nourriture non comme une récompense pour les forts que nous penserions être, mais bien plus comme une aide sur notre chemin de foi. L’eucharistie vient refaire nos forces pour que nous puissions poursuivre notre existence dans la vérité de l’Evangile. Elle nous fait grandir sans cesse dans la communion avec le Christ, mort et ressuscité, comme pour faire diminuer la distance que le péché met entre lui et nous. L’eucharistie fait de nous des hommes et des femmes meilleures, si nous la célébrons avec foi et respect.
Aujourd’hui, cependant, nous ne faisons pas que de célébrer l’eucharistie, nous allons adorer la présence réelle du Seigneur au milieu de nous par des gestes concrets de vénération. C’est le sens de la procession que conclura cette messe.
 
Pour bien comprendre le sacrement de l’eucharistie, nous ne pouvons séparer ces deux éléments : la célébration et l’adoration. On a eu tendance ces dernières décennies, à privilégier l’une – la célébration – au détriment de l’autre – l’adoration. Il était heureux que nos communautés redécouvrent l’importance vitale de célébrer l’eucharistie, comme un acte de toute l’Eglise, et non du prêtre seul. On n’assiste pas à la messe, on y participe : c’est fort différent. Car l’eucharistie nous oblige. Elle nous provoque à la vie chrétienne. Elle nous stimule. Pourtant nous ne pouvons en rester à ce stade et nous en satisfaire. Voilà pourquoi, nous ne devons pas perdre de vue l’autre aspect de l’eucharistie : l’adoration qu’elle suscite et entretient en nous. Au risque de quoi se développerait en nos vies un réel déséquilibre spirituel. On risquerait en effet de moins percevoir la présence réelle de Jésus non seulement dans la célébration de son eucharistie, mais aussi le sens de sa présence constante au milieu de nous et avec nous, une présence concrète, proche, au milieu de nos paroisses et dans nos familles, dans nos villages et dans notre pays.
 
Célébration et adoration sont inséparables. Le culte du Saint-Sacrement repose sur un « milieu », une stimmung, un être-chrétien. Nous ne pouvons saisir la portée de l’eucharistie si sa célébration juste et vraie n’est pas accompagnée, précédée et suivie d’une attitude de foi intérieure. Comment reconnaitre cette présence réelle du Seigneur à notre côté, si elle ne s’accompagne pas de signes qui traduisent notre foi et notre dévotion ? Entrer dans une église sans s’incliner ou faire la génuflexion vers le tabernacle ? S’avancer pour la communion en ayant une attitude indigne ? Recevoir le pain consacré sans mesurer ce qui nous est donné ? Tout à l’heure, je vous invite, je vous demande, je vous exhorte à vous mettre à genoux – pour ceux que la santé n’en empêche pas – durant la prière eucharistique au moment du récit de l’institution (la consécration). Montrez par votre attitude que vous croyez. Demandez à votre corps de manifester ce qui habite votre cœur. Que la posture que vous nous imposerez provoque en retour la foi. A la fin de la messe, nous serons tous encore à genoux devant le Saint-Sacrement, tous, quel que soit notre rang, notre fonction, notre origine. Nous formerons l’Eglise unie à son Seigneur dans la même foi. Nous ferons l’expérience d’un authentique sacré. Le sacré n’est pas pour nous chrétiens ce que le monde décide, par goût, par mode, envie ou conviction, de « sanctuariser ». Il est communion avec le Christ, Dieu fait chair, Tout-Autre et pourtant tout proche.
 
Cette expérience du sacré a une fonction éducative et sa disparition appauvrit inévitablement la culture, en particulier la formation des nouvelles générations. Pensons à une mère et à un père qui, au nom de la foi désacralisée, priveraient leurs enfants de tout rituel religieux : ils finiraient en réalité par laisser le champ libre aux innombrables succédanés présents dans la société de consommation, à d’autres rites et à d’autres signes, qui pourraient devenir plus facilement des idoles. Il en est malheureusement ainsi de nos jours. Notre propre désertion, notre lâche abandon des valeurs chrétiennes et des signes de la foi, laissent le terrain à d’autres signes d’expressions idéologiques et religieux. Il est symptomatique de constater combien la République, par exemple, se plaît à reproduire des signes religieux qu’elle présente comme l’aboutissement d’une pensée laïque qui libérerait l’homme des contraintes et des obscurités de la foi. Baptême républicain, ou plus récemment encore une nouvelle « panthéonisation » qui n’est rien d’autre qu’une canonisation laïque. Bref, autant de signes religieux vidés de la présence réelle du Christ.
 
Nous-mêmes, par notre comportement, par notre relativisme, ne vidons-nous pas le contenu et le sens des signes de la foi ? Comment peuvent-ils être encore un témoignage authentique et crédible ? L’affirmation de ce qui nous faire vivre ? Que cette célébration et la procession que nous vivrons en soient l’occasion joyeuse, paisible et renouvelée.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz