L'Eglise vit aujourd’hui,
dans nos pays, un effondrement apparent qui nous inquiète tous. La barque de
saint Pierre est secouée. Elle prend l’eau de toutes parts. Va-t-elle va couler
à pic comme le Titanic ? Le temps de la chrétienté est terminé. Il subsiste
en notre imaginaire comme ce temps idéal où le sol était ferme et tout bien
assuré. Mais elles sont loin les années où l’Eglise était installée, puissante,
avec plusieurs prêtres par clocher, des réseaux multiples d’organisations, la
catéchèse pour tous les enfants et des églises bondées. On peut être fier de ce
passé, même si je crois il est vraiment idéalisé et prend l’allure d’une image
d’Epinal. L’Eglise, avant-gardiste, a créé les premières universités, les
hôpitaux, les écoles pour démunis, les mutuelles et les maisons d’édition.
Maintenant, l’Etat prend à sa charge aussi bien l’enseignement et la culture,
que la santé et la solidarité. Faut-il s’attrister que l’Etat assume enfin ses
responsabilités ?
Ces changements
profonds nous effraient comme une tempête qui secoue profondément. De fait,
nous sommes en butte à l’indifférence ou au dénigrement, à des vagues
successives de revanche, de ressentiment, d’agressivité, parfois même d’un
apparent athéisme d’Etat. Notre fidélité fait rire et nos symboles sont objets
de dérision dans les médias et la publicité. On a même entendu proposer, ces
jours-ci, que les églises vides et abandonnées puissent passer à un autre culte
non-chrétien, alors que bien souvent les Etats où ce même culte est majoritaire
ne tolère pas qu’on construise une église... Cette fois la barque de saint
Pierre est prise dans la tempête, tout s’en va à veau l’eau et nous allons
couler. Faut-il revenir en arrière, rentrer au port, nous mettre à l’abri dans
un passé idéalisé ? Faut-il prier le Christ et le secouer ? A l’évidence, il
dort. Oserons-nous le réveiller ?
Jésus dort et son
sommeil est symbole de mort. Il est couché, inerte, à plat. C’est la Pâque et
la panique est là, sauve qui peut, chacun pour soi ! Mais voici qu’il s’éveille.
Il se met debout, et c’est la Résurrection. « N’ayez pas peur ! » La tempête
est tombée, le calme s’établit dans la lumière de Dieu. C’est le petit matin d’une
nouvelle création dans un silence merveilleux. Tout l’Evangile nous dit ce
passage d’un bord à l’autre de la vie, au travers de la peur. La foi correspond
à un incessant départ en mission, de l’autre côté du lac et le passage est
toujours risqué. Tout l’Evangile nous dit que malgré tout, Jésus est au milieu
de nous et que c’est lui qui nous conduit. Nous ne comprenons pas tout, nous ne
comprenons parfois même plus rien, mais nous pouvons nous appuyer sur lui comme
s’est lui-même appuyé sur son Père, notre Dieu.C4est la foi. Elle permet de
surmonter la peur. Non pas de ne plus avoir peur du tout, car nous avons
toujours peur, mais la foi nous donne de ne pas être paralysés. L’Evangile ne
nous cache pas que le monde change, que les temps changent, que la tempête fait
rage, qu’il fait nuit. Mais il nous dit aussi que le Christ nous accompagne et
qu’il a traversé la mer. Il a franchi les obstacles, en particulier la mort. Il
a mis le pied sur l’autre rive et il nous y conduit.
Si nous regardons l’histoire
avec sérieux, nous verrons que toutes les générations ont vécu l’impression d’être
les dernières. Comme le disait Jean Paul II aux chrétiens du Maroc : « on ne
vous demande pas de faire nombre, on vous demande de faire signe ». Ainsi donc
jamais la vie n’a été facile et il faut toujours aller de l’avant, passer sur l’autre
rive sans vouloir s’installer. C’est vrai pour tout le monde mais nous, nous le
savons. L’Evangile nous le dit clairement. C’est la condition normale de l’homme
et celle du chrétien. Dans cette traversée nous ne sommes pas seuls et, même si
les vagues sont fortes et tout semble sombrer. Même si Jésus dort, les vents et
le ciel lui obéissent. En attendant il ne reste plus qu’à ramer !
AMEN.
Michel Steinmetz †