Homélie prononcé lors de la célébration de la Profession de Foi
Il y a maintenant un peu plus de deux ans,
chers jeunes, l’un d’entre vous m’a fait une remarque après une messe.
Peut-être s’en souvient-il… Alors que la célébration était achevée, un peu
bêtement – je l’avoue –, de retour à la sacristie, je dis en alsacien : Weder eb’s gschafft un nix verdient. Ce
qu’on pourrait traduire par : à nouveau un travail accompli pour un petit
salaire. A vrai dire, ce jour-là, l’assemblée avait été plus que clairsemée et
l’ambiance était un peu maussade. Voilà qu’un silence suit cette expression de
notre dialecte. Et après quelques secondes, j’ai droit en retour :
« Vous avez Jésus-Christ, vous avez gagné Jésus-Christ à la messe, et ça
ne vous suffit pas ? ». J’en suis resté bouche-bée. Bien fait pour
moi. Dans les dents. Il n’y avait de toute façon rien à ajouter.
On nous a dit dans l’évangile que Jésus est
ressuscité. Le tombeau est vide. Il est apparu aux disciples ! Il demande même
à celui qui a du mal à croire à mettre la main dans son côté transpercé et ses
doigts à l’endroit des clous ! Il est vivant, différemment, mais bel et bien
vivant. Vivant pour toujours. Que de fois ne cherchons-nous pas notre bonheur
ailleurs ? Que de fois ne sommes-nous pas travaillés de l’intérieur par
des passions qui agitent notre cœur ? Nous luttons avec nous-mêmes et nous
oublions d’entendre la voix du Seigneur qui nous lance : « La Paix
soit avec toi ! ». Il y a tellement d’agitation en nous et en dehors
de nous… Pourtant le Seigneur ressuscité est là, il est même prêt à revenir,
comme pour Thomas, pour nous assurer de sa présence quand nous manquons le
rendez-vous avec lui.
Je sais que, parmi vous, certains au moins sont
confrontés aux grandes questions de l’existence devant la maladie d’un proche
ou la perte d’un être cher. Nous sommes obligés de voir, sous nos yeux, une vie
en proie à la destruction, à la souillure et au vieillissement, pour reprendre
les paroles de l’apôtre Pierre. Cela peut s’avérer si déroutant que nous venons
à en oublier que Jésus, ressuscité, nous fait renaître à la vie qui ne finit
pas. Bien sûr, l’espérance de la foi nous le fait deviner, même si nous avons
bien du mal à nous l’imaginer. Cela est cependant bien vrai et bien réel. La
Pâque de Jésus nous fait « tressaillir de joie », « même s’il
faut que [nous soyons] attristés, pour un peu de temps encore, par toutes
sortes d’épreuves ».
Je sais aussi que, parmi vous, beaucoup veulent
faire le bien autour d’eux et sont prêts à s’engager pour cela. Votre
participation à notre action de Carême en faveur des Sœurs indiennes en a été
le signe. Ne laissez pas cet élan, cette générosité, cette bonté s’éteindre
parce que vous seriez blasés par la vie ! Le Christ n’est pas mort et
ressuscité pour rien ! Il compte sur chacun de nous, sur chacun et chacune
de vous, pour continuer l’œuvre de la Résurrection. Vous pouvez faire en sorte
que des hommes et des femmes, autour de vous et dans le monde, deviennent plus
vivants, soient remis debout dans leur dignité.
Je suis persuadé qu’aider les pauvres et les
opprimés à vivre est notre devoir pascal. Je dis « pascal », parce
que ce devoir trouve à mon avis, son origine dans la mort et la résurrection du
Christ. Le Christ s’est donné complètement à nous et pour nous. Sa vie était une
renonciation totale et, en même temps, une donation. C’est quand on se donne, à
la suite de Jésus, que l’on reçoit beaucoup. Moi, comme disciple de Jésus, je
ne peux plus rechercher simplement mon intérêt à moi, mais je dois aussi
chercher « les intérêts d’autrui ». La charité n’est une vertu chrétienne que
si elle puise son origine, sa force dans la mort et la résurrection du Christ,
c’est-à-dire dans son amour allant jusqu’à l’extrême. Mais si on ne fait rien
pour ces gens-là, pour les pauvres et les opprimés, à quoi bon cette
résurrection si elle ne nous inspire pas à agir ? A quoi bon annoncer que Jésus
est vivant si les pauvres et les opprimés – que nous sommes aussi parfois – ne
retrouvent pas eux-mêmes la joie de vivre ?
Chers jeunes, ne laissez pas le Christ être
mort et ressuscité pour rien. Il est au milieu de nous et nous dit :
« La paix soit avec toi ». Vivez-en ! Dites-le autour de
vous ! Ne vous taisez pas !
AMEN.
Michel
Steinmetz †